Une cathédrale en feu :Samedi 18 juillet au matin. Le grand orgue de la cathédrale de Nantes, un instrument monumental de 4 claviers, 74 jeux, disparait dans les flammes. Télévisions et radios relaient sans relâche le drame et le monde de l’orgue, abasourdi et incrédule, scrute les réseaux sociaux pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer. Internet s’affole. Les photos du désastre tournent en boucle, plus impressionnantes les unes que les autres. Presque exactement 15 mois après l’incendie de Notre-Dame (le 16 avril 2019) l’histoire semble se répéter…
Si l’orgue de chœur, un magnifique Debierre de 1896, semble relativement épargné - seule la console aurait souffert -, le grand orgue, contrairement à l’instrument parisien, est totalement détruit. Et ce sont quatre musiciens, Marie-Thérèse Jehan, Michel Bourcier, Mickael Durand et Gaëlle Coulon, respectivement titulaires et assistante, qui sont à leur tour orphelins… Marie-Thérèse Jehan est la plus ancienne titulaire du groupe. Elève de Félix Moreau, qui fut titulaire de l’instrument de 1954 à 2012, soit pendant 58 ans, elle est également présidente de l’association Hymnal qui œuvre pour faire connaître la musique de ce compositeur injustement oublié. « C’est une tragédie ! Cet orgue était exceptionnel, sans doute l’un des plus beaux instruments de province avec ses 4 claviers, ses 74 jeux et tout un pan préservé de Clicquot. Il y avait entre autres des anches, magnifiques à chacun des claviers. On disait d’ailleurs de la Voix humaine que c’était la plus belle de France ! Les nantais aimaient leur orgue dont ils parlaient comme d’un être humain. Ils sont profondément choqués. » Michel Bourcier est quant à lui le dernier à avoir quitté la cathédrale vendredi soir : « j’ai répété de 19h à 21h pour mettre au point des registrations pour les offices et concerts qui arrivent. Lorsque j’ai quitté la cathédrale, tout était calme, je n’ai rien remarqué… et le lendemain, j’ai appris l’incendie par un ami qui m’a téléphoné ». À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’origine du drame reste incertain et les deux hypothèses – cause intentionnelle ou accidentelle – sont étudiées par la police scientifique. « Ce qui est certain est qu’il n’y a pas eu d’effraction, et que trois départs de feu ont eu lieu. Ont-ils été simultanés ou non ? seule l’enquête le dira » ajoute Michel qui, bien que profondément triste, relativise les choses : « C’est une perte irréparable, mais il n’y a pas mort d’hommes… et la vie continue.» Et l’avenir, ce sera bien sûr, tout d’abord, la consolidation de l’édifice et de la tribune : « la cathédrale est entièrement construite en pierre de tuffeau, typique du Val de Loire, un matériau blanc, lumineux, qui lui donne une clarté exceptionnelle. Mais cette pierre est friable et souffre beaucoup de la chaleur et de l’eau. Actuellement, un risque d’effondrement de la tribune ne peut être exclu, et il faudra la sécuriser avant de pouvoir entrer à nouveau. » Ensuite seulement – même si les projets peuvent se mener conjointement – un nouvel orgue pourra prendre place. Et Michel Bourcier fourmille d’idées : « j’aimerais que cet instrument se souvienne de l’ancien, et garde un caractère français marqué. Mais aussi qu’il soit amplifié par d’autres ajouts, permettant de jouer un large répertoire ». On ne peut s’empêcher de rêver à Jean-Louis Florentz, dont Michel est l’ardent messager… mais nous y reviendrons. Pascale Rouet |
Enregistrements :
La revue Orgues Nouvelles est heureuse de pouvoir vous offrir ces enregistrements du grand orgue de la cathédrale de Nantes réalisés par les Disques Solstice. Un très chaleureux merci à Yvette et François Carbou de nous avoir permis la mise en ligne de ces documents exceptionnels.
Félix Moreau (1922 - 2019) : Incarnation (1961)
Marie-Thérèse Jehan aux grandes orgues de la cathédrale de Nantes
Disques Solstice, 2002, SOCD 209
Augustin Barié (1883 - 1915) : Symphonie op. 5 (extraits : I – Prélude ; II – Fugue)
Augustin Barié (1883 - 1915) : Toccata (Trois pièces op. 7)
Marie-Thérèse Jehan aux grandes orgues de la cathédrale de Nantes
Témoignage d’André Marchal sur Augustin Barié
Disques Solstice, 1980, SOCD 917